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La formation des faisceaux.


Le repos et la formation des faisceaux.

Soutien improvisé. Soutien improvisé
pour les fusils,
dans un camp
de soldats français,
au bord de l'Isar
près d'Ismaning.
 
Aquarelle par
Wilhem von Kobell.

Dans un traité du début de la révolution, L'art du Militaire, ou Traité complet de l'Exercice, qui parût à Paris et Bordeaux en l'an premier de la République Française [1792], l'on lit sur la page 53:

Du repos.

Il y a deux manières de faire reposer les soldats armés. L'une de les faire reposer tenant leurs armes; l'autre de les faire reposer, leurs fusils étant à terre devant l'emplacement qu'ils doivent occuper.

Les deux commandements dont il s'agit ici sont ceux de Reposez-vous — sur vos armes! et de Vos armes — à terre!. Ils se trouvent dans le Règlement concernant l'exercice et les manœuvres de l'infanterie, du premier août 1791, École du Soldat, Nos. 94 ff. et 110 ff.

Armes à terre.
Vos armes — à terre !

Naturellement, avant de pouvoir poser les armes à terre, il faut laisser ouvrir les rangs en arrière. S'il n y a pas assez d'espace pour ouvrir les rangs, ou si la troupe se trouve sur un sol humide ou sale, on ne peut laisser reposer les soldats que dans la position de Reposez-vous — sur vos armes!, ce qui peut apporter des inconveniences, si le repos doit avoir une longue durée.

Une alternative serait de faire les soldats rompre les rangs avec leurs armes, et laisser à eux de se débrouiller individuellement, par exemple en appuyant les fusils contre un mur ou contre des arbres, s'il y en avait, et s'il y en avait assez pour tous les fusils.

Une autre solution fut trouvée et adoptée pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire. Dans l'ancien régime, les faisceaux dans le camp avaient consisté d'un mat autour de lequel on posait les fusils et qu'on couvrait d'un manteau d'armes. Quand pendant les guerres de la Révolution les armées s'agrandaient et les marches des troupes devenaient plus rapides et plus longues, des tentes et les faisceaux d'armes disparaîtraient des camps qui souvent se tranformaient en bivouacs. Les nouveaux faisceaux d'armes dans le camp ou bivouac ne se composaient que des fusils, et donc pouvaient servir comme des modèles pour les faisceaux qu'on formait pendant les repos. Encore plus tard, les faisceaux formés par files furent inventés.


Les faisceaux d'armes pour les manteaux d'armes.

Pendant le 18e siècle, on ne connaissait pas encore des faisceaux d'armes formés exclusivement des fusils. Voici une définition dans l'Encyclopédie méthodique. Art militaire. (Tome second, Paris, 1785):

FAISCEAUX D'ARMES. Amas de fusils rangés la crosse en bas  le bout en haut, autour d'un montant de bois, d'environ sept pieds [2,27 m] de hauteur, enfoncé en terre d'un pied, & traversé à sa partie supérieure par deux chevilles saillantes qui se croisent & soutiennent les fusils.

Da la Portière, dans ses Institutions militaires pour la cavalerie et les dragons, qui parut à Paris en 1754, donne (p. 101 f.) une description détaillée de ces anciens faisceaux avec leur manteau d'armes, complété par une planche:

Article XXXI.
Manteau , & Faisceau d'armes.
DRAGON.

LE Manteau, & le Faisceau d'Armes devant être regardés comme une partie ou comme une suite de l'équipement & armement du Dragon à la Guerre, je donnerai dans cet Article les dimensions du Faisceau, & la quantité de Coutil nécessaire au Manteau pour couvrir les armes d'une Compagnie de Dragons à cheval; & je me réglerai, autant qu'il sera possible, sur celles que prescrit l'Ordonnance du 17. Février 1753. pour ceux de l'Infanterie, qui donne 6. pieds [1,94 m] de haut au Manteau, & 1. pied 9. pouces [56,9 cm] de circonférence à la partie supérieure, qui est celle qui se clouë à un plateau de bois, qui termine & couvre cette même partie supérieure. Ce Manteau a 19. pieds [6,17 m] de circonférence dans sa partie inférieure, dont 2. [65 cm] dit l'Ordonnance, doivent croiser à l'endroit de l'ouverture.

Chaque Compagnie de Dragons à cheval a, comme celles de l'Infanterie, un Faisceau & un Manteau d'armes, qu'elle plante de même à la tête du camp, pour couvrir ses fusils. Ces Compagnies n'étant composées que de trente hommes, leurs Manteaux d'armes ne doivent être faits que pour couvrir 30. fusils. En suivant les proportions de ceux de l'Infanterie, il aura cinq pieds & demi [1,79 m] de hauteur, un pied dix pouces [59,6 cm] de circonférence dans sa partie supérieure, qui doit se clouer à un plateau portant la même circonférence. La circonférence de ce Manteau, par en bas, n'est que de dix-huit pieds [5,85 m], au lieu de dix-neuf que l'Ordonnance donne à celui de l'Infanterie. En se conformant à ces dimensions, il faut quatre aunes & demie [5,85 m] de coutil ou de treillis, l'aune ayant quatre pieds [1,30 m] quarrés en tout sens.

Le Faisceau d'armes qui doit servir à porter ce Manteau, doit avoir six pieds [1,94 m] de haut, y compris ce qui doit entrer en terre pour l'assurer. Le bois d'aune est le plus convenable, comme étant de l'espece la plus légère. On le perce de deux trous, qui se croisent à un pied six ou sept pouces [48,7 à 51,4 cm] de la partie d'en haut, dans lesquels on pase deux chevilles longues de dix-huit &agarve; dix-neuf pouces [48,7 à 51,4 cm], qui servent à soutenir les Fusils, lorsqu'ils sont placés dans les quatre angles que forment les deux chevilles. Le Manteau d'armes sur son Faisceau représente la figure d'une cloche.

Les Compagnies de Cavalerie ne sont point dans l'usage d'avoir des Manteaux ni Faisceaux d'armes. Les Cavaliers mettent leurs Mousquetons dans les Tentes ; ce qui est sujet à bien des accidens, que les Manteaux d'armes préviendroient, en leur en donnant ; supposé toutes fois qu'il n'y ait pas de raisons préférables que j'ignore.
Manteau d'armes.
Planche IIe.
C – Le Manteau d'armes fermé.
CC – Le Manteau vû en perspective:
1. Le plateau. – 2. La bordure autour du plateau par dessus le repli du coutil , ne se voit as. – 3. Les clous servent à attacher le haut
du manteau au plateau. Ils ne se voient pas. – 4. L'ouverture. – 5. Les piquets qui passent dans les anneaux ou boucles de corde
qui sont attachés au manteau, servent à les tendre. – Les anneaux ou boucles de corde servent à, passer les piquets. – 7. Les trous
ou œilles servent à passer les anneaux. Les nœuds desdits anneaux sont cachés. – 8. La bordure de cengles, ou tissu, empêche
que les anneaux n'emportent le coutil. – 9. La toile à pourrir conserve le bas du manteau.
D – Le Faisceau d'armes.
1. – Les chevilles qui traversent le faisceau , servent à soutenir les canons des fusils.

En 1792, il y avait un faisceau d'armes pour chacune des deux sections. L'Instruction provisoire sur le Campement de l'Infanterie, du 1er mars 1792 dit:

De la Forme du Camp.

[...] Les faisceaux d'armes seront placés sur un même alignement, à cinq toises ou quinze pas [9,75 m] en avant du front de bandière; & vis-à-vis de leurs sections respectives.

Dans l'Instruction du Ministre de la Guerre sur le Campement, donné en brumaire an 12 [octobre ou novembre 1803], il est encore pourvu d'avoir deux faisceaux par compagnie:

Méthode pour tendre le camp.

Lorsque les bataillons ou régimens se seront mis en bataille à la tête du camp, un sous-officier par compagnie ira planter les deux faisceaux d'armes de chacune, à la place indiquée par les fiches. [Ces fiches avaient été mis pendant le tracement du camp.]

Un serie de commandements pour mettre les fusils aux faisceaux d'armes se trouve dans une Instruction générale sur le service de toutes les bouches à feu en usage dans l'artillerie, du 21 avril 1786. Cette instruction fut imprimé en 1786 et reimprimée en 1790, l'an II de la République (1793/1794), 1810 et 1812, les trois dernières éditions sous le titre Petit manuel du canonnier. L'on y lit dans l"Avertissement":

La troupe sortira du quartier par le flanc, ou rompue par peloton.

En arrivant au Polygone on la mettra en bataille devanc les faisceaux d'armes, & lorsqu'elle sera parfaitement alignée, on lui fera exécuter les commandemens suivans.

Demi-tour — à droite.
Présentez — vos armes.
Les armes — aux faisceaux.

Nota. Le dernier commandement sera précédé [suivi ?] de l'ordre d'ôter les gibernes, & de se mettre en vestes & en bonnets.


Faisceaux par sections.

Un faisceau de neuf armes.
Faisceau d'armes dans un dessin
intitulé "Conscrits au bivouac".

Au debut, pour former les faisceaux par section, un fusil remplaça l'ancien mat du faisceau d'armes.

Le 13 juillet 1793, la 1ère division de l'Armée de la Moselle se composa des bataillons suivants:

Dans un ordre du 16 juillet 1793, le commandant de cette division, le général de division Schauenbourg, ordonna (J. Colin: "La Tactique et la Discipline dans les Armées de la Révolution. Correspondence du Général Schauenbourg du 4 avril au 2  août 1793.", Paris, 1902, p. 169):

Ordre du 16 juillet 1793.

Une fois pour toutes, dès l'instant que les bataillons arriveront au camp, leurs chefs les mettront régulièrement en bataille en avant du front de bandière; ils enverront deux sous-officiers ou caporaux par compagnie, lesquels seront placés en jalonneurs à 15 pas [9,75 m] en avant du front; cesdits jalonneurs tiendront un fusil droit devant eux, la crosse touchant terre.

Le chef de bataillon fera présenter les armes et commandera qu'elles soient posées dans chaque section à l'entour de celle que tiennent les sous-officiers portés en avant et qui représentent les deux sections; les sous-officiers qui tiennent l'arme feront attention de faire bien établir les premières avant de quitter celle qui sert de base.

Cette opération faite, l'on mettra les sacs en cercle à l'entour des crosses.


Faisceaux par rangs.

Le Manuel d'Infanterie, dans sa deuxième édition, Paris, 1808, dans la "XIIe Leçon. Exercice." donne sur les pages 76 à 80, la manière suivante:

Armes en faisceaux.

46. Il est d'un usage aussi ancien que celui de la baïonette, de mettre les armes en faisceaux avant les repos des grands exercices at au bivouac: cependant on ne trouve rien d'écrit à ce sujet. Voici la manière dont on a vu quelques régimens former leurs faisceaux.

Le bataillon ayant les armes reposées et le chef de bataillon ayant placé par les commandemens ordinaires, le drapeau et les guides généraux sur la ligne où doivent s'établir les faisceaux à trois pas en avant du front, il commande:

Préparez-vous à mettre vos armes en faisceaux.

47. A ce commandement chaque chef de peloton se porte à six pas en avant du centre de son premier rang et lui fait face, à l'effet de veiller a l'exécution du commandement.

Le sergent-major, le sergent de remplacement et le second sergent se portent sur la ligne tracée par le drapeau, et lui font face; le sergent-major et le remplacement, passent à cet effet par la droite du peloton, le second sergent passe par la gauche. Le sergent-major s'établit en avant du centre du peloton, face au chef de peloton; le remplacement s'arrête à la même distance, en avant du second homme de droite. Le second sergent se place de même en avant de l'avant-dernier homme de gauche; le chef de peloton veille à l'égal espacement de ces sous-officiers qui tiennent en l'air les crosses de leur fusils à l'effet de faciliter au chef de bataillon les moyens d'assurer leur alignement. Cet alignement étant rectifié, le chef commande.

Formez les faisceaux.

48. A ce commandement les sous-officiers placés an avant du premier rang, font face au front par un à-droite ou un à-gauche, et mettent leur fusil devant le milieu de leur corps, la crosse à terre, ils le soutiennent par la branche de la baïonette, et l'inclinent de manière que le talon de la crosse soit à un pied devant eux.

Les caporaux quittent leur place de bataille; les deux d'entre eux qui sont les plus voisins de la droite se rendent auprès du sergent de remplacement qui leur fait poser leurs fusils de manière que les trois crosses forment un triangle, que les branches de baïonette appuient les unes sur les autres, et que le fusil du sergent reste dans la situation où il était. Ainsi le centre des faisceaux s'établit à l'endroit où posaient les talons du remplacement.

Les deux caporaux les plus voisins de la gauche en font de même auprès du second sergent, le reste des caporaux en fait de même auprès du sergent-major. Ceux des serre-files qui sont armés de fusils se rendent de même auprès des sous-officiers qui sont les plus rapprochés, mais dans tous ces cas, on n'établit et ne fixe primitivement que trois fusils, avant que d'en poser aucun autre au faisceau.

Le sergent-major, le remplacement et le second sergent attachent alors ces trois fusils par leurs douilles, en les entourant avec une petite courroie à boucle, qu'ils portent à cet effet dans leur giberne. Le second rang fait par le flanc droit, le troisième rang fait par le flanc gauche, les officiers de serre-file veillent à ce mouvement.

Marche:

49. A ce commandement les lieutenants et sous-lieutenants se portent sur l'alignement des capitaines. Le lieutenat faisant face au faisceau de gauche, et le sous-lieutenant faisant face au faisceau de droite, chacun de ces trois sous-officiers [recte: officiers] surveille le faisceau vis-à-vis duquel il est placé.

A ce même commandement, le premier rang forme le cercle au pas ordinaire, entoure le faisceau du milieu, y dépose ses armes comme le lui indiquent le sergent-major et ses caporaux, et se remet en bataille par un alignement sur le centre en arrière. Le deuxième rang, qui a fait par le flanc droit, part au pas accéléré; il se dirige en conversant autour de faisceau du droite, de maniére à y présenter l'épaule droite; le premier homme y pose son fusil, et chaqun de ceux qui le suivent y placent circulairement aussi le sien, comme l'indiquent le remplacent et ses caporaux. Ils reviennent ensuite prendre leur place de bataille, en faisant sur la droite par homme en bataille.

Enfin le troisième rang, qui a fait par le flanc gauche, part au pas accéléré, tourne autour du faisceau de gauche, en lui présentant l'épaule gauche; le chef de file y dépose son arme et ainsi de suite, comme l'indiquent le second sergent et ses caporaux; ce rang reprend ensuite sa place, en faisant sur la gauche par homme en bataille.

Les officiers et sous-oficiers reprennent alors leur place.

Cette formation de faisceaux subit quelque différence dans les pelotons de droite, de gauche[, du centre], et des voltigeurs.

Au peloton de droite, c'est le guide général de droite qui remplit les fonctions attribuées ci-dessus, au premier sergent. Le guide général de gauche remplit dans le peloton de gauche les fonctions attribuées au deuxième sergent. En conséquence, le remplacement de droite et le sergent d'encadrement de gauche portent leur arme au faisceau en même temps que les serre-files.

Les guides généraux plantent verticalement leur fanion dans le centre des faisceaux. Chaque faisceau central de peloton environnerait de même un fanion, si comme autrefois chaque sergent-major ou fourrier étoit porteur d'un fanion.

Dans les pelotons du centre, le porte-aigle ou porte-enseigne remplit les fonctions attribuées ci-dessus au sergent-major; ils plantent leur enseigne dans le milieu du faisceau. Le sergent-major du quatrième peloton place en conséquence son fusil en même temps que les serre-files et la garde du drapeau.

Dans les voltigeurs, les sergens n'étant pas armés de fusils, ils doivent au premier commandement passer leur carabine en bandoulière, attacher les trois premiers fusils réunis, et quand le faisceau est terminé, y appuyer extérieurement leur carabine; chaque officier appuie la sienne au faisceau qu'il a surveillé. Les sergens en serre-file appuient la leur au faisceau le plus voisin.

Au premier commandement les tambours, conduits par le tambour-major, s'étant mis en marche au pas accéléreé, viennent se porter en avant et à huit pas du drapeau, faisant face vers la campagne. Au dernier commandement, ils déposent leurs caisses qui doivent se trouver alignées sur deux rangs, mais un des tambours à tour de rô:le garde la sienne, sans qu'il lui soit permis de la quitter et de s'éloigner du drapeau.

Les grenadiers, ou bien une compagnie désignéee a cet effet, devant fournir une sentinelle au drapeau, un caporal et deux factionnaires de la compagnie restent armés, et pendant que chaque rang forme son faisceau, ce sous-officier emmène ces deux hommes; il en place un en sentinelle, le caporal dépose son fusil, et fait déposer celui du second homme contre le faisceau du drapeau. C'est également à ce fasiceau que les sapeurs déposent leur hache.

Lorsque la sentinelle est posée et que le chef de bataillon s'est assuré de l'alignement des faisceaux et de leur régulier espacement, il fait battre la berloque (Règl. d'exercice, Ecole de bataillon, no. 683) par le tambour qui a gardé sa caisse; à ce signal le bataillon s'éparpille.

Manière de se reformer.

50. La manière de se reformer ne demande point d'explication; cette formation commence quand on bat le drapeau, et doit être terminée dès les premiers coups de rappel. Chaque soldat reconnait son arme au moyen du numéro gravé sur la douille et sur la baguette, s'assemble à six pas en arrière de l'ancienne ligne de bataille (Règl. d'exercice, Ecole de bataillon, no. 685), et si le front du régiment est changé, chaque peloton se porte par le flanc droit ou le flanc gauche, sur le nouvel alignement donné par le commandant au peloton du drapeau.


Faisceaux par files.

Faisceaux par fiel vus par Martinet.
INFANTERIE DE LIGNE.
Tambour battant la Diane.
(Martinet. Troupes françaises. Pl. 161)

Dans l'écrit, les faisceaux formés par les trois hommes de chaque file apparaissent très tard. La première fois que la formation des faisceaux par files est mentionnée, c'est dans la quatrième édition du Manuel d'Infanterie, Paris, 1813, sur les pages 50 et 51:

XIVe Leçon. Formation des Faisceaux.

72. – Armes en faisceaux.

Il est d'un usage aussi ancien que celui de la baïonette, de mettre les armes en faisceaux avant les repos des grands exercices, et au bivouac: cependant on ne trouve rien d'écrit à ce sujet: voici la manière dont on a vu les régimens former leurs faisceaux, c'est celle décrite ci-après.

Le bataillon étant en bataille, et ayant les armes reposées, le chef de bataillon commande:

73. – Mettez vos armes en faisceaux.

A ce commandement, chaque chef de peloton fait former un faisceau de trois fusils de chaque file, sur le terrain même de la ligne de bataille.

74. – Sentinelle de l'aigle ou enseigne.

Les grenadiers, ou bien une compagnie désignéee à cet effet, devant fournir une sentinelle à l'aigle ou enseigne, un caporal et deux factionnaires de la compagnie designée restent armés, et pendant que chaque file forme son faisceau, ce sous-officier emmène ces deux hommes; et en place un en sentinelle, dépose son fusil, et fait déposer celui du second homme contre le faisceau du drapeau.

Lorsque la sentinelle est posée, et que le chef de bataillon s'est assuré de l'alignement des faisceaux et de leur régulier espacement, il fait battre la berloque (Règlement d'exercice du 1er août 1791; Ecole de bataillon, no. 683) par le tambour qui a gardé sa caisse; à ce signal le bataillon s'éparpille.

75. – Manière de se reformer.

La manière de se reformer ne demande point d'explication; cette formation commence quand on bat le drapeau, et doit être terminée dès les premiers coups de rappel. Chaque soldat reconnoit son arme au moyen du numéro gravé sur la douille et sur la baguette, s'assemble à six pas [3,9 m] en arrière de l'ancienne ligne de bataille (Règlement d'exercice du 1er août 1791; Ecole de bataillon, no. 685), et si le front du régiment est changé, chaque peloton se porte par le flanc droit ou le flanc gauche, sur le nouvel alignement donné par le commandant au peloton du drapeau.

Une Instruction sur l'exercice, les manœuvres et le service intérieur des postes, à l'usage de la Garde nationale de Paris, publiée par A. Lallemand à Paris en 1815, decrit sur les pages 38 f. le procédé suivant:

5. Mettre les armes par file en faisceau et les reprendre.

La troupe étant reposée sur les armes, si on veut les faire mettre en faisceau, on commande:

Par file formez = LES FAISCEAUX.

A ce commandement chaque rang exécute les mouvemens suivans :

Premier rang. Les hommes du premier rang exécutent le premier mouvement de l'inspection des armes.

Deuxième rang. Les hommes du second rang font par le flanc droit.

Troisième rang. Les hommes du troisième rang ne bougent pas.

Dans cette position, chaque homme incline en avant le bout du canon de son fusil, et enlace sa baïonnette, de manière que celle du fusil du troisième passant sous celles des fusils du second et du premier rangs qui sont déjà croisées, les soutienne, et que chaque faisceau soit formée de trois fusils ; l'homme du premier rang ne déplace pas la crosse de son fusil, afin que la ligne de bataille soit correcte.

Lorsque les armes sont ainsi placées et soutenues l'une par l'autre, les deux premiers rangs font face en tête, et l'on commande ensuite :

En arrière = MARCHE.

A ce commandement, les trois rangs se portent à six pas en arrière du rang des faisceaux.

Les sergens de remplacement, les serre-files, le porte-drapeau, et les guides-généraux, placent leurs armes, le drapeau et les fanions au faisceau de la file la plus près d'eux.

Lorsque l'on bat le rappel, les hommes se rassemblent derrière les faisceaux, chaque file correspondant au sien, et à la distance de six pas.

Au commandement,

Prenez vos armes = MARCHE

Les trois rangs se portent en avant, et lorsque chaque homme est rentré à sa place, il reprend son arme par le même mouvement qu'il l'a posée, et la reporte dans la position de l'arme au pied à l'état de repos.

Pour éviter que les armes ne tombent, l'homme du troisième rang saisit avec la main les douilles des trois baïonnettes, jusqu'à ce que les hommes du premier et du second rangs aient posé la main sur leurs armes.

En 1825, F. P. Lelouterel publia à Paris le Manuel encyclopédique et alphabétique de l'officier d'infanterie. Sur les pages 182 f., il décrit la manière suivante:

FAISCEAUX (Manière de former les).

1716. Lorsqu'on voudra faire former les faisceaux, on commandera :

1. Par file formez les faisceaux ;
2. MARCHE,

en observant de laisser entre ces deux commandemens assez d'intervalle pour donner aux soldats le temps de faire les dispositions suivantes :

1717. Au premier commandement, l'homme du premier rang de chaque file inclinera son fusil en arrière, sans que la crosse bouge, et sans tourner la tête; celui du troisième rang tournera son fusil, la contre-platine en avant et l'inclinera en avant; l'homme du second rang recevra sur la brancbe de sa baïonnette les lames de celles des premier et troisième rangs, de manière que celle du premier rang se trouve entre les deux autres.

1718. Au deuxième commandement, les hommes des deuxième et troisième rangs lâcheront leurs armes et se retireront promptement en arrière, l'homme du premier rang fera en même temps vivement à droite, empoignera les trois baïonnettes avec la main gauche, l'arme de l'homme du second rang avec la main droite, et affaissera le faisceau jusqu'à ce que les trois branches des baïonnettes se trouvent ensemble; après quoi il fera passer l'arme du second rang par dessus celle du troisième, en se retirant lui-même vivement en arrière, sans lâcher les baïonnettes, et la placera à, droite de manière que les trois crosses forment le trois-pieds.

1719. Pour faire rompre les faisceaux, on commandera :

Rompez les faisceaux — MARCHE.

Au commandement d'exécution, l'homme du premier rang empoignera les baïonnettes avec la main gauche, et l'arme du second rang avec la droite ; il le repassera par-dessus celle du troisième rang et poussera les armes sur celle du premier rang, dont la crosse ne devra jamais bouger, afin de conserver l'alignement. Le faisceau ainsi ramassé, se rompra naturellement, et l'homme du premier rang remettra aux deux autres chacun leur arme.

1720. Ces faisceaux ont l'avantage de flatter le coup d'œil, d'être extrêmement solides et de laisser les trois rangs derrière.

Enfin, dans l'Ordonnance du Roi du 4 Mars 1831, sur l'Exercice et les Manœuvres de l'Infanterie, l'on trouve pour la première fois une fixation officielle sur la manière comment former les faisceaux. L'école du soldat y donne les paragraphes suivants:

Former les Faisceaux.

302. Les hommes étant formés sur trois trangs, l'instructeur leur fera reposer sur les armes, puis il commandera:

Formez = LES FAISCEAUX.

303. A ce commandement, l'homme du premier rang de chaque file passera son arme devant lui, la saisissant avec la main gauche au-dessus de la grenadière, et la placera la crosse en arrière et près du pied droit de l'homme qui est à sa gauche, le canon tourné en avant. En même temps, l'homme du second rang passera son arme à celui du premier rang; celui-ci la saisira avec la main droite à cinq centimètres (deux pouces) au-dessus de la grenadière, portera la crosse à quatre-vingt-deux centimètres (deux pieds six pouces) en avant du premier rang, vis-à-vis son épaule droite, inclinant vers soi le bout du fusil, et croisera les baïonettes des deux armes. L'homme du troisième rang passera son arme à celui du second rang, qui la recevra de la main droite au-dessus de la capucine, la penchera en avant, la placera en dehors, et introduira la baïonette, en s'aidant de la main gauche, entre et sous les branches des baïonettes des deux autres armes. Il l'abandonnera alors à l'homme du premier rang, qui la saisira, avec la main gauche, et placera la crosse entre les pieds de l'homme qui est à sa droite.

304. Les hommes des trois rangs ayant pris la position du soldat sans arme, l'instructeur commandera:

1. Rompez vos rangs.
2. MARCHE.

Rompre les Faisceaux.

305. Les trois rangs s'étant reformés en arrière de leurs faisceaux, l'instructeur commandera:

Rompez = LES FAISCEAUX.

306. A ce commandement, l'homme du premier rang, de chaque file saisira son arme avec la main gauche, et celle de l'homme du second rang avec la main droite, toutes deux au-dessus de la grenadière; l'homme du second rang portera le pied droit en avant, le milieu du pied à hauteur du talon droit de l'homme du premier rang, et saisira l'arme du troisième rang avec la main droite au-dessus de la grenadière: au même instant ces deux hommes soulèveront le faisceau pour le rompre; l'homme du second rang passera l'arme de l'homme du troisième rang à ce dernier; celui du premier rang en fera de même à l'égard de l''homme du second rang; et les trois rangs prendront la position du soldat reposé sur l'arme.

Observations.

307. Si les hommes sont sur deux rangs, on formera les faisceaux de la manière suivante.

308. L'homme du premier rang de chaque file paire exécutera ce qui a été indiqué, no. 303, pour celui du premier rang d'une file sur trois rangs. L'homme du premier rang de chaque file impaire passera son arme à l'homme qui est à sa gauche, qui la placera comme il a été dit pour l'arme du second rang. L'homme du second rang de la file paire penchera son arme en avant, et introduira la baïonette entre celles des deux autres armes. L'homme du premier rang la placera comme il a été prescrit pour l'arme du troisième rang d'une file sur trois rangs. Le faisceau formé, l'homme du second rang de la file impaire passera son arme dans la main gauche, le canon en avant, et la placera sur le faisceau, en l'inclinant.

309. Lorsqu'on voudra faire rompre les faisceaux, l'homme du second rang de chaque file impaire retirera son arme du faisceau; celui du premier rang de la file paire saisira la sienne avec la main gauche; et celle de l'homme du premier rang de la file impaire, avec la main droite; l'homme du second rang de la file paire saisira son arme de la main droite à la grenadière: ces deux hommes soulèveront le faisceau pour le rompre; l'homme du premier rang de la file impaire reprendra son arme de la main de son voisin de gauche, et les quatre hommes prendront la position du soldat réposé sur l'arme.

 

Formation des faisceaux.
La formation des faisceaux d'après l'Ordonnance du Roi sur l'exercice et les manœuvres de l'infanterie, du 4 mars 1831.


Poser les fusils avec la baïonette dans la terre.

Heinrich von Brandt, qui à cette époque était capitaine adjudant-major au 1er régiment d'infanterie de la Légion de la Vistule, écrivit à propos d'une halte de son régiment aux environs d'Orsha, le 30 juillet (Heinrich v. Brandt, Aus dem Leben des Generals der Infanterie z. D. Heinrich von Brandt. Erster Theil: Die Feldzüge in Spanien und Rußland 1808—1812, Berlin 1868, p. 358):

Car le vent avait plusieures fois culbuté des faisceaux d'armes, l'on posa les fusils avec la baïonette dans la terre, ce qui naturellement ne pourrait pas contribuer à leur conservation. Le général Chlopicki s'en fâcha fortement, fit mettre les armes à terre, et interdit sous peine sévère d'imiter une telle négligence. Les généraux français y étaient beaucoup plus tolérants et assuraient que cela avait été un usage à la grande armée d'Allemagne.


La garde des faisceaux.

Dans les Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français de 1792 à 1815, tome 16 (Paris, 1819), p. 273, le rapport d'une petite affaire qui avait lieu le 4 octobre dans le village de San-Pietro in Guarano, dans la Calabre, montre l'importance de la garde des faisceaux:

A cette même époque, une compagnie de voltigeurs du cinquante-deuxième régiment fut entièrement détruite à San-Pietro, petit village près de Cozenza , où elle était allée faire une réquisition de paille et de matelas pour les ambulances. Le capitaine commit la faute de faire mettre les armes en faisceaux sans établir un poste suffisant pour les garder : pendant que ses soldats étaient occupés à enlever des maisons les objets requis, une bande, cachée dans les environs, fondit sur le village, s'empara des armes, et fit presque toute la compagnie prisonnière. Les insurgés allumèrent ensuite un grand feu, où ils jetèrent les malheureux soldats et deux de leurs officiers. Le capitaine, qui aurait dû être la première victime de son impardonnable imprudence, parvint à se sauver avec trois ou quatre hommes seulement.

L'Historique du 52e régiment d'infanterie, rédigeé par Gustave Jean Gerthoffer d'après les documents des Archives du Ministère de la guerre (Paris, 1890), le raconte d'une manière très similaire, bien qu'avec quelques différences (pp. 79 f.):

Quelques jours après ce brillant engagement [du 25 septembre, à Montessano], le 52e eut à enregistrer un douloureux événement. Le 4 octobre, la compagnie de voltigeurs du 2e bataillon fut presque entièrement détruite à San-Pietro, petit village près de Cosenza, où elle était allée faire une réquisition de paille et de matelas pour les ambulances. Pendant que les soldats étaient occupés à enlever des maisons les objets requis, une bande cachée dans les environs fondit sur le village, s'empara des armes réunies en faisceaux après avoir égorgé le poste prépose à leur garde et fit un affreux massacre de nos malheureux soldats désarmés. Presque toute la compagnie, avec le lieutenant Drouet et le sous-lieutenant Launay, fut prise et passée par les armes. Les insurgés allumèrent ensuite un grand feu et y jetèrent les cadavres de leurs malheureuses victimes. Le capitaine et quelques hommes seulement parvinrent à grand'peine à s'échapper. Le sergent Nadeau, déjà appréhendé au collet par plusieurs brigands, réussit à se dégager de leur étreinte, après une lutte désespérée où il fit mordre la poussière à deux Calabrais. Le caporal Aude réussit également, avec quelques braves, au prix d'efforts inouïs et grâce à l'indomptable énergie qu'il sut communiquer aux siens, à se frayer un passage au travers de ces bandes qui étaient sur le point de le cerner.

Le tableau des "Soldats morts au champ d'honneur." dans le même livre (pp. 240-246) ne nomme que 24 soldats tués à San-Pietro (sans compter les deux officiers), mais peut-être cette liste est incomplète.


Chevalets d'armes.

Chevalets d'armes d'après Zix.
Chevalets d'armes dans un camp devant
Danzig en 1807, d'après Benjamin Zix.

Pour remplacer les mats des faisceaux disparus, on pouvait se servir des chevalets improvisés, parfois avec des abris ou toits au lieu des vieux manteaux d'armes également disparus.

Dans son Nouveau dictionnaire militaire,à l'usage de toutes les armes qui composent les armées de terre., qui parut à Paris en 1801, Alexandre-Toussaint de Gaigne écrit sur la page 101:

CHEVALET d'ARMES. Aussitôt qu'une armée est prète à camper et à dresser les tentes, le sergent dépèche plusieurs hommes d'une compagnie, munis d'une hache ou d'une serpe, pour aller au bois le plus voisin y faire des fourches et des travers, dont on fait, aussitôt qu'ils sont de retour, des chevalets pour y appuyer les armes, au-dessus desquelles on fait un abri avec des branches et de la paille, pour les garantir de la pluie. Ce chevalet est aussi nommé faisceau d'armes.

Bardin en donne dans son Dictionnaire de l'Armée de Terre, page 1255, cette description.

Chevalet d'armes. Sorte de chevalet qui, au camp, sert de support aux armes ; il est quelquefois formé de deux fourches plantées en terre et soutenant un travers où s'appuient les fusils sous un abri de branchages ; dans ce cas on applique une expression peu juste en apppelant faisceaux ces chevalets. Quelquefois, quand le campement devait être d'une certaine durée, comme dans les camps d'instruction, on faisait façonner uniformément les chevalets. Ils consistaient en un mat de deux mètres traversé de deux brins en croix à la manière des bâtons de perroquet. Le piquet était serré par les deux bouts ; l'un d'eux s'introduisait en terre, l'autre recevait la tête d'un manteau d'armes conique. Les Fusils se rangeaient en rond contre le piquet, ils formaient vraiment ainsi le faisceau.

Dans les Mémoires du Maréchal Ney, Duc d'Elchingen, Prince de la Moskowa. publiés par sa famille. Bruxelles 1833, Tome Second, Livre Septième (Études militaires), page 333 f., on en trouve cette description:

Sur les campemens.

[...] Les faisceaux d'armes se formeront à quinze pas [9,75 m] en avant du front de bandière des baraques. Les fusils occuperont le développement des bataillons auxquels ils appartiennent; les gibernes et sabres seront, autant que faire se pourra, à l'abri de l'humidité et de la pluie au moyen de toits faits en planches, ou couverts de paille.

Les drapeaux, les caisses de tambours seront placés au centre des fusils de leurs bataillons respectifs.


Remerciements.

Pour des images, des sources originales ou des annotations utiles, je remercie Henri Caporali, Bernard Coppens, Guy Dempsey, Thomas Hemmann, Jebulon, Fabio Ronchi, Jakub Samek, Günter Schneider et Hans-Karl Weiss.



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